L’Académie française en passe de reconnaître la féminisation des noms
Pour la première fois de son histoire, l’Académie française mettait le 7 février dernier son dictionnaire en ligne. Elle pourra désormais y ajouter les noms de métiers au féminin; une grande première là aussi.
L’Express révèle ce mardi que l’Académie française est en effet en passe de reconnaître la féminisation des noms de métiers. Un sujet épineux chez les Immortels: à son élection en 1999, Hélène Carrère d’Encausse avait notamment décidé qu’elle se ferait appeler “Madame le secrétaire perpétuel”.
Si l’Académie française assure “n’entendre nullement rompre avec la tradition de féminisation des noms de métiers et fonctions, qui découle de l’usage même”, elle rejette toujours aujourd’hui des termes comme professeure, recteure, auteure, ingénieure ou encore procureure, “qui sont contraires aux règles ordinaires de dérivation et constituent de véritables barbarismes”.
“La fonction n’est pas attachée à la personne”
A maintes reprises, l’institution fondée en 1634 s’est exprimée sur la question, souvent de crainte que ça ne “débouche sur des propositions contraires à l’esprit de la langue”. L’Académie revendique ainsi attendre qu’un terme soit validé par l’usage avant de l’inscrire dans son dictionnaire. Néanmoins, si le portail de la Fonction publique mentionne le recrutement de “sapeuses-pompières“, les Immortels ne l’ont pas adopté.
Stupéfaction donc quand, le 8 février dernier, le secrétaire perpétuel Hélène Carrère d’Encausse déclare dans les colonnes du Figaro: “Il y a des choses qui entrent dans l’usage, en l’occurrence, ‘Madame la ministre’. ‘La ministre’, n’est pas gênant”. Avant de poursuivre, tout de même: “En revanche, ‘écrivaine’, c’est mon sentiment personnel, est très laid. La position générale de l’Académie est celle-ci: la fonction n’est pas attachée à la personne.”
Une annonce avortée le 7 février
L’Académie française, qui avait promis fin 2017 de s’intéresser à la féminisation de la langue, a même bien failli virer de bord le 7 février dernier, à l’occasion d’une réunion publique.
“L’ordre du jour comportait deux points: la présentation du nouveau dictionnaire numérisé et une déclaration solennelle sur la féminisation. Au dernier moment, on a ôté le deuxième point”, confie à BFMTV.com Bernard Cerquiglini, éminent linguiste et auteur, entre autres, de Le Ministre est enceinte ou la grande querelle de la féminisation des noms.
Plusieurs sources évoquent une prochaine annonce le 28 février, préparée par un petit groupe de travail d’Immortels.
“L’Académie ne pouvait plus s’arc-bouter sur une conception qui ne tient absolument pas”, réagit Bernard Cerquiglini. Certains noms de métiers figuraient déjà au féminin dans le dictionnaire de l’Académie, qui comporte à ce jour neuf éditions – la dernière étant en cours d’achèvement.
“A la dernière édition complète du dictionnaire, 1932-1935, on avait toute une série de professions moins éminentes: aviatrice, avocate…”, énumère le linguiste, “mais rien d’éminent, puisque dans le fascicule de la lettre M de la neuvième édition, à ‘ministre’ on lit ‘nom masculin'”.
“On ne pouvait pas rester sur des positions misogynes”
“Je pense qu’une grande partie de l’Académie a compris qu’on ne pouvait pas rester sur des positions qui étaient en fait misogynes”, plaide l’avocat de la féminisation de la langue française. Pour lui, une justification historique du maintien du seul masculin pour certaines professions ne tient pas.
“L’exemple que je prends, c’est ‘ambassadrice’. Première édition, 1694: ‘Ambassadrice, femme chargée d’une ambassade’. Dès la deuxième édition: ‘épouse d’un ambassadeur’. Vous voyez?”
Actuellement, pour l’Académie française, une ambassadrice est toujours la “femme d’un ambassadeur” ou ,”par analogie”, une “femme chargée d’une mission, d’un message, etc., pour un particulier.”